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« La rénovation des bâtiments fera partie des activités clés pour relancer l’économie »

Publié le 23 avril 2020

A l’heure où la question de la reprise des chantiers se pose pour la filière du bâtiment, nous avons interrogé Marjolaine Meynier-Millefert, députée de l'Isère, membre de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’assemblée nationale, et co-animatrice du Plan de rénovation énergétique des bâtiments, pour savoir comment la crise sanitaire actuelle impacte aujourd’hui l’effort de rénovation

Comment avez-vous abordé la crise sanitaire qui a mis à l’arrêt la quasi-totalité des chantiers ?

Dès le début de la crise, nous sommes intervenus aux côtés des professionnels en renfort auprès du cabinet de Julien de Normandie et d’Emmanuelle Wargon pour réfléchir à la manière dont on pouvait sécuriser les interventions sur chantier, identifier les activités qui pouvaient se poursuivre et celles qui devaient s’arrêter. L’idée était de raisonner de manière pragmatique pour définir des règles claires, qui permettent aux artisans, aux maîtres d’ouvrage et autres acteurs de BTP de poursuivre l’activité en toute sécurité.

Ce travail mené conjointement avec les ministères mais aussi le Conseil Supérieur de la Construction et de l’Efficacite Energetique (CSCEE), et les acteurs du BTP, a donné lieu à un guide, publié par l’Organisme professionnel de prévention du Bâtiment et des Travaux Publics (OPPBTP), qui réunit les bonnes pratiques à respecter pour garantir la sécurité sanitaire sur les chantiers.

 

Marjolaine-Meynier-Millefert

C’est une recueil de règles généralistes, assez contraignantes, de distanciation, d’hygiène, de protection validé par le ministère de la santé, qui donne un cadre qui était à la fois nécessaire et attendu. Mais bien sûr, il n'est pas idéal car l'idéal serait des règles "sur-mesure" à chaque chantier. Chacun doit maintenant affiner les choses et adapter le livret à la réalité de son quotidien. Il revient aux professionnels du terrain d’affiner leurs protocoles pour envisager une continuité en toute sécurité de leur activité. Eux seuls savent réellement ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, ce qui relève de précautions superflues ou de procédures indispensables pour assurer la sécurité de leurs équipes. Les professionnels du bâtiment ont la sécurité dans leur ADN. Je leur fais pleinement confiance.

La question se pose aujourd’hui surtout pour relancer les petits chantiers, sur la manière dont on peut accompagner les artisans pour qu’ils puissent retravailler. Beaucoup sont demandeurs et espèrent pouvoir reprendre. Ils doivent cependant faire face à l’inquiétude de leurs clients qui refusent leur intervention, alors que de nombreux travaux peuvent être réalisés chez un particulier en respectant toutes les règles sanitaires nécessaires.

Les Français doivent être rassurés sur ce côté-là et comprendre qu’il est possible pour les artisans de travailler chez eux en toute sécurité.  Parfois, une panne rend l’intervention des artisans indispensable. Les professionnels du bâtiment n’ont pas cessé d’intervenir sur ces chantiers et ils savent garantir la sécurité de leurs équipes et des habitants. Ça doit pouvoir rassurer les français sur les autres chantiers non-urgents qui ne sont pas plus dangereux.

Les acteurs du BTP ont appelé en début de mois le gouvernement à relancer en priorité le secteur du bâtiment après l’arrêt du confinement. Ils demandent notamment la mise en place de mesures d’accompagnement supplémentaires pour faciliter la reprise. Comment préparez-vous l’après ?

Le bâtiment fera assurément partie des gros sujets pour relancer l’économie à la sortie du confinement. Il reste encore à déterminer où seront placés les curseurs. Si ce sont les chantiers neufs ou ceux de la rénovation qui seront priorisés, les travaux à privilégier... Il y a toute une réflexion à mener sur ces sujets.

La crise sanitaire doit également être abordée sous l’angle économique. Pour moi, il s’agit plus particulièrement de s’interroger sur les leviers à activer pour faciliter les nouveaux chantiers, notamment via la commande publique, pour sécuriser la trésorerie des entreprises, pour les protéger contre les impayés, il faut étudier la possibilité d’accords avec les banques qui permettront de protéger à l’avenir davantage les sociétés du BTP, grandes et petites, face aux difficultés que peuvent apporter des événements comme la crise que nous traversons actuellement.

Il faudra continuer à faire preuve de solidarité, peut être en favorisant des systèmes qui permettront d’appeler en renfort sur certains chantiers des salariés d’entreprises plus petites qui n’auraient pas encore reconstitué leur carnet de commandes... Ce serait le moment d'appuyer sur le volet formation pour toute les filières ou de remettre à plat le mécanisme des CEE, qui constitue la première source de financement des travaux de rénovation réalisés, pour le rendre plus vertueux, plus efficace, plus transparent.

Ce qui est sûr, c’est que la construction et la rénovation présentent de nombreux outils pour relancer l’économie tout en s’inscrivant dans une démarche vertueuse pour l’environnement, bénéfique pour la transition énergétique et pour le confort des personnes dans leur logement, ce qui on s’en est bien rendu compte durant ces longues semaines de confinement, est essentiel ! Des perspectives qui ne peuvent être ignorées au moment où toute l’attention est portée sur le secteur du BTP.

Pour l’institut de l’économie pour le climat, investir en faveur du climat contribuera à sortir de la crise du coronavirus. Dans une étude publiée récemment sur ce sujet, l’Institut recommande de rendre obligatoire les travaux de rénovation énergétique en les ciblant, et en les séquençant dans le temps, avec un objectif de résultats sur les consommations et les émissions de gaz à effet de serre. Jusqu’ici, la France a été dans une logique incitative pour favoriser la rénovation. Cette crise doit-elle nous encourager à repenser notre manière d’envisager la rénovation des bâtiments ?

Je suis personnellement, et depuis longtemps, plutôt favorable à ce qu’un caractère obligatoire soit donné à la rénovation, lorsque cela est soutenable pour ceux qui doivent s'acquitter de ces obligations évidemment. Près de 11 % des propriétaires de « passoires énergétiques » sont en effet des ménages précaires qui ne pourraient assumer financièrement une telle obligation.

C’est la raison pour laquelle l’obligation de rénover ne peut être acceptable qu’à partir du moment où des mesures d’accompagnement adaptées sont mises en place. Concernant l’aide aux plus modestes, je défends l’idée d’un dispositif 100 % pris en charge, « 100 % financé, 100 % rénové, 100 % accompagné », pour que les Français se trouvant en dessous du seuil de pauvreté puissent accéder à la rénovation.

Il faut avoir à l’esprit que les personnes aujourd’hui confinées dans des logements insalubres sont d’autant plus exposées à des risques sanitaires qui mettent en danger leur santé. Rénover, c’est aussi protéger les plus vulnérables. C'est aussi être solidaire.

Nous ne pouvons donc pas être uniquement dans le punitif. Il faut, plus globalement, continuer de donner envie de rénover en expliquant les avantages que cela peut apporter à l’occupant en matière de confort et de sécurité. C’est pourquoi, nous pouvons tout à fait envisager à la fois des mesures incitatives, ainsi que des mesures plus contraignantes, pour satisfaire à chaque situation et permettre d’accélérer l’effort de rénovation.

 

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