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En France, la rénovation des bâtiments prend de l’élan

Publié le 10 octobre 2019

Encore timide en France, la rénovation énergétique des bâtiments se structure pour satisfaire aux exigences de transition énergétique. Ces exigences nécessitent une massification de la rénovation qui s’est révélée jusqu’ici difficile à mettre en place. Marjolaine Meynier-Millefert, députée de l'Isère et co-animatrice du Plan de rénovation énergétique des bâtiments, nous explique les prochains grands chantiers qui doivent nous permettre d’y arriver.

Marjolaine Meynier-Millefert, députée de l'Isère et co-animatrice du Plan de rénovation énergétique des bâtiments

La France accuse un certain retard en matière de rénovation énergétique sur les objectifs définis dans le Plan de rénovation énergétique des bâtiments, avec 350.000 opérations réalisées par an, contre les 750.000 attendues par le gouvernement. Selon vous, que nous a-t-il manqué jusqu’ici pour atteindre ces objectifs ?

Je pense tout d’abord que nous n’avons pas à rougir des résultats obtenus ces dernières années, et cela même si nous n’atteignons pas encore la barre des 750.000 rénovations annuelles. Nous avons réussi à stabiliser la consommation d’énergie, tout en construisant davantage de bâtiments, ce qui est plutôt une bonne chose.

Nous avons également développé des programmes, ou mis en place des mesures, que nos voisins européens nous envient, comme le Service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH), en cours de déploiement.

Concernant les difficultés à accélérer le mécanisme de rénovation, gardons en tête que la rénovation des bâtiments s’effectue au travers d’un tissu de professionnels extrêmement diffus. Ce sont bien souvent des petites structures de moins de 10, ou 5 employés. C’est donc compliqué d’engager une massification de la rénovation avec un outil de production aussi disparate.

Nous sommes également face à un secteur qui est sujet à d’importantes innovations, concernant les matériaux par exemple ou les process de production, des innovations parfois difficiles à intégrer quand on est à son compte et qu’il faut mettre son activité en suspens pour prendre le temps nécessaire de se former.


Les prochains grands chantiers du Plan de rénovation énergétique des bâtiments s‘attaqueront-ils à ces difficultés ?

Tout à fait, nous sommes persuadés que la montée en compétence de la filière bâtiment doit s’imposer comme l’une des priorités du plan de rénovation énergétique du bâtiment, afin que tout le secteur puisse monter en charge sur les travaux attendus.

Si nous voulons éradiquer les passoires thermiques d’ici à 2028, il faudrait chaque année 925.000 rénovations, ce qui veut dire multiplier par trois notre outil de production actuel, dans un secteur où il est difficile aujourd’hui de trouver du personnel qualifié et motivé. Il y a un important travail à faire pour rendre ces métiers de la rénovation attractifs et encourager les jeunes à rejoindre cette filière porteuse d’opportunités et indispensable à la transition écologique.

Ensuite, il faut rétablir de la confiance autour des travaux. Si la plupart des travaux se passent bien, ce sont généralement ceux qui présentent des problèmes qui font beaucoup de bruit et refroidissent les porteurs de projets.

Je pense notamment à toutes ces offres de services à 1 euro qui ont donné lieu à pas mal de fraudes commises par des individus mal intentionnés qui se font passer pour des professionnels et nuisent à l’image des professionnels qualifiés qui n'ont pourtant rien à voir avec les premiers.

Pour renforcer la distinction entre ces fraudeurs et les professionnels reconnus, nous allons travailler à fiabiliser le label RGE afin que ce dernier redevienne un outil de confiance, qui rassure quant au savoir-faire du professionnel.

Le déploiement du programme Faire est également en train de s’accélérer, afin notamment qu’il n’y ait plus de zone blanche de la rénovation énergétique, que tout le monde puisse trouver une information neutre et de qualité, et prodiguer un accompagnement qui soit déclencheur de travaux.

La lutte contre la précarité énergétique est également un sujet sur lequel nous sommes grandement mobilisés et pour lequel nous allons redoubler d’efforts pour améliorer le confort des millions de Français qui ont froid chez eux en hiver, car c'est aussi une question de justice sociale.

La loi de transition énergétique (Énergie-Climat) vient d’être définitivement adoptée par le Parlement. Elle prévoit la fin des passoires thermiques en 2028. Vous expliquez qu’à cette date, toutes les transactions donneront lieu à une obligation de travaux pour les logements très énergivores. Comment cette obligation va-t-elle être instaurée ?

Nous allons procéder par phases pour arriver à l’obligation en 2028. La mise en place d’une obligation aujourd’hui reviendrait, au regard des capacités de notre outil de production, à condamner les gens à la pénalité.

Dès 2021, le Diagnostic de performance énergétique (DPE) sera fiabilisé afin déjà de bien définir ce qui caractérise une passoire thermique.

À partir de 2022, un audit systématique et obligatoire sera requis pour chaque transaction. Cet audit permettra de commencer à aiguiller les Français en fonction des besoins de rénovation de leur habitat.

Les sanctions applicables en cas de non-respect de la rénovation seront définies en 2023 et la question sera posée à la convention citoyenne pour le climat qui vient de débuter à l’occasion d’un nouveau projet de programmation pluriannuelle de l’énergie.

Pour les plus modestes, le reste à charge après aides, aussi faible soit-il, reste bien souvent une dépense impossible à satisfaire. Comment les plus précaires seront-ils concernés par cette obligation ? Vous êtes notamment favorable à la création d’un dispositif solidaire de la rénovation.

Je pense en effet que les Français se trouvant en dessous du seuil de pauvreté devraient pouvoir bénéficier d’un système 100 % pris en charge, « 100 % financé, 100 % rénové, 100 % accompagné ».

C’est non seulement une question de solidarité, mais aussi une question de bon sens économique. Aujourd’hui, le reste à charge chez les ménages précaires, même si jusqu’à 85 % des dépenses peuvent être aidées, empêche bien souvent la tenue des travaux. La création d’un système 100 % financé pour les plus modestes permettrait non seulement de gagner du temps en accélérant le traitement des dossiers, ce qui coûte de l'argent, mais aussi de faire des économies sur les dépenses de santé et des économies grâce au retour sur investissement généré par les travaux.

Quant aux ménages intermédiaires, il faudrait arriver à un système aidé pour le reste à charge, sous forme de prêt. Un système d’abonnement, payé le temps du remboursement des travaux, qui permettrait de financer à la fois l’énergie et les travaux, et de mieux budgétiser les retours sur investissement, laissant également l’opportunité à des tiers financeurs de se substituer aux ménages pour que ces derniers ne fassent plus l’avance.

Pour les ménages plus aisés, il faut continuer l’incitation fiscale en leur proposant un levier financier de type CITE pour les pousser à engager des travaux. Mais, les Français doivent saisir toutes ces mesures incitatives pour rénover, car s’ils ne le font pas, ils seront un jour ou l’autre dans l’obligation de faire le nécessaire pour réhabiliter leur logement aux exigences en vigueur, ils n’auraient plus le choix et la transition contrainte est beaucoup plus difficile que la transition choisie.

La France vise la neutralité carbone pour 2050, c’est en cela que Promotelec défend l’idée d’une rénovation qui permet non seulement d’améliorer la performance énergétique du logement mais aussi de réduire son empreinte environnementale. Beaucoup de rénovations menées jusqu’à maintenant dégradent le bilan carbone des logements en question. Le plan de rénovation énergétique va-t-il considérer davantage cette problématique carbone ?

Je suis pour que la rénovation du DPE donne lieu à une séparation des sujets, et que nous ayons d’un côté un DPE tourné uniquement sur l’enveloppe du bâtiment, et d’un autre côté, une échelle carbone dans laquelle sont renseignés le type de chauffage utilisé et l’impact carbone de l’énergie consommée sur l’ensemble du bâti.

Ces informations doivent devenir plus lisibles pour que les ménages comprennent facilement qu’un logement chauffé à l’électricité n’a pas le même bilan carbone qu’un autre chauffé au gaz.

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